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La vie d'une Endogirl.

Les chroniques d’une « malade »

 

Je vais commencer par vous expliquer pourquoi je mets le mot « malade » entre guillemets. La réponse est toute simple : j’ai du mal à accepter d’être vue comme une malade, j’ai du mal à me considérer comme telle. J’ai presque l’impression d’être un imposteur en employant ce mot, comme si je me comparais à une personne atteinte d’un cancer, ou du sida… Enfin c’était le cas avant que je prenne pleinement conscience de tout ce que cette maladie pouvait/allait me coûter.

Je ne saurais vous dire exactement pourquoi j’avais cette impression. Peut-être parce que beaucoup de gens ne connaissaient pas cette maladie avant l’année dernière ? Parce ce qu’une maladie dont on ne parle pas reste une sorte de légende urbaine que la plupart préfère ignorer ? Ou parce que le discours qu’on entend depuis qu’on est ado se résume à : « c’est normal d’avoir mal au ventre pendant ses règles ; de nombreuses femmes vivent la même chose ; la vie est ainsi faiteblablabla ». Laissez-moi rire…ou plutôt pleurer…non en fait, j’ai carrément envie de vomir !

J’aimerais juste que cette phrase soit imprimée en lettre majuscule sur tous les paquets de serviettes hygiéniques et de tampons vendus dans le monde : NON, CE N’EST PAS FORCEMENT NORMAL D’AVOIR MAL PENDANT SES RÈGLES !!!

Et encore, moi, je savais que cette maladie existait car bon nombre des femmes de ma famille sont passées par là. Mais j’y reviendrai.

 

Cela étant dit, il s’agit bien d’une véritable maladie. Une maladie qui est difficile à diagnostiquer et à soigner. Une maladie qui commence seulement à être évoquée et expliquée au grand public grâce au combat de certaines personnalités. A ces femmes (et toutes celles et ceux qui sont moins sous le feu des projecteurs) je dis un GRAND MERCI pour leur engagement et l’espoir qu’elles me donnent chaque jour.

Voilà tout pour l’introduction.

 

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Once upon a time...

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Je voudrais maintenant vous raconter mon histoire; comment cette maladie a modifié ma vie et ma vision du monde ; comment j’apprends tous les jours à vivre avec…

Je ne prétends pas avoir des réponses, ni être le porte-parole des femmes qui vivent la même chose, et ce pour une bonne raison : chacune vit cette maladie différemment. Certaines ont des douleurs insupportables alors que d’autres ne sentent rien. Certaines ont des règles hémorragiques, d’autres presque plus de menstruations. Certaines auront des problèmes de fertilité et d’autres non.

C’est donc tout ce qu’il y a de plus personnel.

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Je ne sais pas si ça pourra faire prendre conscience à une poignée de personnes que de nombreuses femmes souffrent à cause de cette pathologie sans dire un mot. Je ne sais pas si ça en aidera d'autres à retrouver un peu d’espoir, ou à se sentir moins seule. Parce que moi, je me sens très seule face à tout ça.

J’ai simplement besoin d’en parler je crois. J’ai besoin de coucher sur le papier (ou sur l’écran) tout ce qui m’est arrivé et tout ce que je crains pour l’avenir. Peut-être que ça m’aidera, ou peut-être pas. Mais pour l’heure, je vais vous compter le combat de Violette…mon combat.

 

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Hérédité ?

 

Il faut quand même que je vous raconte brièvement l’historique familial. On ne parle pas de maladie héréditaire pour l’endométriose. Mais chez nous, c’est quand même une affaire de famille. En effet, toutes les femmes de mon côté maternel ont été atteintes d’endométriose…et je dis bien TOUTES ! Si ce n'est pas de l'hérédité ça, je ne sais pas ce que c'est... (enfin, je ne suis ni médecin, ni spécialiste du génome humain, ni une scientifique quelconque, donc je dois sûrement me tromper...).

Bien sûr, j’aurais dû me douter que je ne passerais pas à travers. Mais que voulez-vous, l’espoir fait vivre !

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Puberté, quand tu nous tiens

 

Eh oui, je crois bien que ça commence ici.

Alors je vais vous faire grâce de la date de mes premières règles (que j’appellerai désormais les soeurs REDS) et me contenter de dire que c’était au temps du collège. Beaucoup de choses me reviennent en mémoire et j’en ai oublié d’autres. Mais je me souviens que j’appréhendais toujours l'arrivée des sœurs REDS. De vraies terreurs ces frangines ! Mal aux reins, seins douloureux, sensibilité exacerbée (non pour moi ce n’était pas juste une légende) et surtout maux de ventre à se plier en deux sans pouvoir bouger. Tout un programme !

Mais le plus angoissant, c’était les quantités de sang. Âmes sensibles, s’abstenir. Du coup, la douleur passait au second plan. J’avais mal 7 jours par mois et je faisais avec. Pas le choix.

 

Comme ma mère était au fait de cette maladie, elle m’a emmenée consulter ma première gynécologue et on m'a fait une échographie pour repérer d’éventuels endométriomes.

Résultat : j'avais des petits nodules, mais on ne pouvait pas savoir ce que c’était sans faire une cœlioscopie - pour ceux qui ne connaissent pas, on fait deux ou trois petites incisions dans l’abdomen pour passer une caméra et des instruments chirurgicaux jusqu’à la zone à prélever, tout en gonflant votre ventre comme un ballon de baudruche (résumé dans des termes pas du tout médicaux, pardonnez-moi pour les raccourcis).

En tous cas, pas d’intervention de prévue pour l'ado Violette. Ouf !

Rien d’alarmant en soi ; c’était petit (environ 10mm), entre les deux ovaires (dessus ça aurait été plus inquiétant) et j’étais encore toute jeune. Bref, la solution toute trouvée : « On va vous mettre sous pilule pour limiter l’expansion ».

Moi, dans ma tête, à 15 ans :

« Okaaayyy ! Merci, merci, merci…je voulais prendre la pilule mais je ne savais pas trop comment aborder le sujet. Trop bien. Problème résolu ! Qui c’est qui va pouvoir pécho ? C’est moi, c’est moi, c’est moi… »

 

Mouais. Pas une lumière la Violette à 15 ans ! Mais c’est vrai qu’à cette époque, il n’y avait pas grand-chose qui m’intéressait à part mes copines et les garçons. Le but de ma vie : trouver le prince charmant (ou plutôt, le bad boy charmant) et qu’il me fasse vite l’amour pour que je sois plus vierge ! 

La Violette de 15 ans: « Etre vierge, quelle horreur ! »

La Violette de maintenant: « Débile, débile, débile !!! »

Et oui, je voulais un beau mec, un peu rebelle (sinon ce n’est pas intéressant), mais quand même super gentil et surtout qui tomberait éperdument amoureux de moi au premier regard…

Merci Disney, grâce à toi je croyais aux contes de fées ! Rectification : je crois toujours aux contes de fées. Par contre, bizarrement, le concept de "sexe uniquement après le mariage", ça ne s'est pas imprimé dans mon cerveau ! J’ignore pourquoi…  ;)

 

Donc me voilà à 15 ans, sous pilule contraceptive, avec de fausses sœurs REDS beaucoup moins abondantes et des douleurs bien plus supportables. Pas de quoi fouetter un chat, ni de quoi obtenir une médaille ! La vie continue.

 

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La fin du lycée: vive la majorité !

 

Finalement, la petite Violette n’a pas "pécho" aussi vite qu’elle l’aurait voulu. Trois ans plus tard, après un certain nombre de petits copains et aucune relation de plus de trois mois, je me suis finalement laissée emporter dans une histoire avec un ami… Pas un meilleur ami, ni un ami de longue date d’ailleurs, mais bon un ami ; quelqu’un avec qui j’aimais passer du temps.

Et contre toute attente, cette relation a duré (et dure toujours aujourd’hui... de gros bisous à Mr Violette :).

 

Premiers ébats quelque mois plus tard. Tout se passe comme sur des roulettes ! Avec la pilule, pas de risque de grossesse non désirée, ni de fortes douleurs, ni de soeurs REDS qui se pointent n'importe quand.

A l'aise Blaise !

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Début de vie active 

 

Avant de trouver ce que je voulais faire de ma vie, je me suis longtemps cherchée. J’ai fait pas mal de premières années de fac (plein de rencontres, de fêtes, d'expériences...certaines plus judicieuses que d'autres). J’ai quand même fini par trouver ma voie (enfin si on veut...). Mais la route a été longue et laborieuse. Ce qui veut dire que notre désir d’enfant a été repoussé en attendant la fameuse "situation stable" dont tout le monde parle.

Pardonnez-moi, je ne suis pas encore certaine de savoir ce que c’est ! Il y a toujours des galères dans la vie. Rien n'est jamais "stable". Mais bon, passons. Je me contenterai de dire que nous avons attendu notre bon moment pour commencer à y réfléchir sérieusement.

 

Avant ça, on a passé plusieurs années de difficultés financières, entre les petits boulots merdiques qui ne rapportent rien, les horaires aussi merdiques qui ne laissent pas de temps pour faire des trucs de couple et les périodes de chômage où tout semble encore plus difficile. Tout ça peut provoquer des tensions dans un couple, même un couple solide. Mais le pire, ce sont les histoires de sexe !

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : le sexe, ce n’est pas tout dans une relation, loin de là. S’il n’y a pas de tendresse, d’attention, d’entraide, d’écoute et de confiance, ça ne vaut pas grand chose ! Mais quand ça coince à ce niveau là, ça devient très vite compliqué. Et vous savez ce qui n’aide pas ? LA PILULE !

 

Peut-être vous a-t-on prévenu, quand on vous a prescrit une pilule contraceptive, que celle-ci pouvait affecter votre appétence sexuelle ? Personnellement, on ne m’avait rien dit. Et après 10 ans de prise quotidienne, j’ai enfin ouvert les yeux sur ce que ça faisait à mon corps. Quoi qu’au début, ce n’était pas franchement clair. J’avais moins souvent envie de faire des câlins. Alors on pense que la passion s’essouffle…ce sont des choses qui arrivent, non ? Et puis, on remarque certains faits curieux. Par exemple, étrangement, juste avant et pendant les visites désagréables des sœurs REDS, celle qu’on surnomme Mme Libido s’incrustait pour passer quelques jours à la maison. Et elle était bruyante cette garce ! Pas pratique d’avoir envie de faire l’amour justement les jours où on ne peut pas. Et surtout, ça ressemble beaucoup à une excuse. Comment faire comprendre à votre homme que ce n’en est pas une ? Que ce n’est pas lui le problème ? Ni votre couple ? Et comment faire en sorte de combler ses désirs quand les vôtres sont aux abonnés absents ?

« Aïe aïe aïe…ça se corse ! »

 

Je ne compte plus le nombre de disputes que nous avons eu à cause de ça. Parfois, je me demandais même si je ne me voilais pas la face. Je me disais que ce n’était pas possible de perdre tout appétit de cette manière si on aime la personne avec qui on vit. Et pourtant…

« Moi, devenir une pauvre fille frigide et frustrée ? Jamais ! » se rebellait Mlle Conscience.

« Cours toujours tu m’intéresses » répondait Mme Libido. « 5 jours par mois, c’est tout ce que tu auras ! »

 

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Le "bon moment" est arrivé

 

La fameuse décision d’avoir un enfant était prise. Tous les deux en CDI, plus de dettes, de loyers en retard ou de factures impayées, une grande maison fraîchement achetée... Il était temps d’arrêter cette pilule qui m’avait tout autant aidé que pourri la vie. Et là, j’ai compris à quel point elle agissait sur mes envies, mes humeurs, mon caractère et mes pensées...

Sous pilule, je n'étais pas vraiment Violette, plutôt une pâle copie aux sens engourdis ; une Violette Zombie !

 

Dès les premières semaines d’arrêt de pilule, je me suis sentie différente. Déjà, tout en mangeant de la même manière, j’ai perdu du poids.

« Youpi !!! »

Ensuite, je me suis sentie plus en forme, moins déprimée, plus vivante. J’avais envie de faire plein de choses : sortir, faire la fête, rencontrer des gens, profiter de mes proches et de la vie, tout simplement… Pendant quelques semaines, je me suis même demandé si je ne faisais pas une sorte de crise de la trentaine. Mais non. Tous mes changements d’humeur tenaient dans une simple petite pilule. Et sans elle, j’étais à nouveau moi.

« Attention plumard, Violette est de retour. Tu vas en voir de toutes les couleurs ! »

 

En effet, Mme Libido a décidé à ce moment là de se réinstaller chez nous. Un vrai bonheur de la revoir. Et une bouffée d’oxygène pour notre couple. Sauf que ça n’a pas duré très longtemps…

 

​

Bonjour Endométriose

 

Etes vous déjà allé chez le médecin pour un petit truc sans importance, mais qu’il n’a pas réussi à régler ? C’est ce qui m’est arrivé.

 

La première fois que j’ai consulté, j’avais une toute petite boule rouge à l’intérieur du nombril. Ça faisait presque comme si j’avais une écharde. Donc on m’a donné de l’antiseptique qui traverse la peau. C’est parti. Puis c’est revenu quelques mois plus tard.

Deuxième rdv identique, bien que ce soit avec un nouveau docteur. Cette fois, pas de résultat. On essaye un autre traitement, on fait des prises de sang. On ne trouve rien. A force, je laisse tomber.

 

Nouveau symptôme : je saigne du nombril !

« Au secoooooouuuuuurrrrrssss !!!!! »

Paniquée, je retourne chez le médecin. Nouveau traitement plus ou moins similaire. Et les saignements s’arrêtent.

« Ouf ! »

Un mois plus tard : rebelote. Le mois d’après aussi.

Et ça fait Tilt : les saignements correspondent à mes règles.

« Ok. Là c’est vraiment bizarre ! »

Le moral dans les chaussettes, je regarde sur Internet (ce n’est pas bien, mais je ne savais pas quoi faire d’autre). Je vois des tas de trucs sur les hernies ombilicales. Pourquoi pas ? Mais les saignements, ça ne colle pas vraiment. Et puis je lis des choses sur l’endométriose ombilicale. C’est rare, mais ça existe... On en revient encore à cette bonne vieille maladie familiale. Mais bon, je me fait surement des idées !

 

Mon médecin traitant m'envoie chez le gynéco (nouveau lui aussi). Je lui raconte ce qui m’arrive. Quand il me demande mes antécédents familiaux, je lui parle de l’endométriose, du fait que 100% des femmes de ma famille en ont et que c'est peut-être une piste à explorer.

« Ce n’est pas héréditaire ! » me lâche-t-il, sûr de lui et presque méprisant.

Très bien. Je n’insiste pas.

Puis il m’ausculte : au toucher, pas de trace d’endométriose. Quand au nombril : il ne voit rien. Normal, ce n’est pas la semaine de visite des frangines REDS. 

« Vous n’avez qu’à aller voir un chirurgien digestif Mademoiselle ! »

Et le rdv s’arrête là.

« Pfffffff ! »

 

Le mois suivant, même galère. Je retourne voir mon médecin traitant, désespérée. Je lui parle de cette fameuse endométriose ombilicale et, ô surprise, elle me dit que c'est effectivement une possibilité. 

« Alléluia ! Enfin quelqu’un qui m’écoute ! »

Sur ce, elle m’envoie faire une échographie, qui s’avère inutile puisque le praticien ne peut rien voir à cet endroit. Il faut un IRM. Nouveau rdv chez le doc pour obtenir une ordonnance.

« Merci système de santé français qui me fait perdre mon temps et mes jours de congés payés ! »

Suite à cet examen, on découvre un gros nodule qui semble être de nature endométriosique. Pour le radiologue, ça parait évident.

« D’accord. Ce n’est pas comme si ça faisait des mois que j’en parlais ! »

 

Du coup, rdv avec un chirurgien et passage sur le billard en août 2016 (toute cette histoire au nombril a duré plusieurs années avant d’en arriver là).

Petite opération. Pas de grosse cicatrice, mais quand même un mois de convalescence. Et après des analyses de ce qui a été retiré (deux fois plus gros que prévu), il s'agit bien d’endométriose.

« Pas possible... Bande de crétins ! Euh…non, pardon, merci de ne pas m’avoir charcutée ! »

 

Suite à cette mésaventure, si je puis dire, on me donne un rdv avec une gynécologue spécialisée afin que je sois suivie pour cette pathologie. On me fait encore une batterie de tests : rien.

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Donc la vie suit son cours ; une vie agréable, sans douleur au nombril, avec Mme Libido à mes côtés et un chéri toujours prêt pour essayer de faire un bébé.

« J’adore ma vie ! Tralalalala… »

Ça a été vrai…pendant quelques mois…

 

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Comment j’ai cru mourir toutes les nuits

 

Mon histoire aurait pu s’arrêter là. Oui, elle aurait pu...

Mais cette maladie que l’on dit "bénigne" (la bonne blague !) a aussi une fâcheuse tendance à récidiver et à empirer ! Et c’est pendant les vacances de Noël 2016 que mon calvaire a doucement commencé.

 

Au départ, j’ai ressenti des douleurs pendant mon ovulation.

« Cool. Si je les sens, c’est que mes ovaires fonctionnent ! De quelle couleur on va faire la chambre de bébé ? C’est peut-être un peu tôt pour y penser… »

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Et puis j’ai retrouvé les REDS hémorragiques de mon adolescence; le genre de vieilles copines qu'on espère ne plus jamais revoir. Et en plus, ces pétasses ont le culot de se pointer accompagnées (fortes douleurs les 5 premiers jours)

« J'ai bien dit 5 PREMIERS jours, puisqu’elles s'incrustent maintenant au moins 8 jours...je les déteste ! »

 

Et chaque mois, ça empirait. REDS de plus en plus longues, avec des pertes de sang si abondantes que j’aurais pu me faire sucer par un vampire, ça m’aurait fait le même effet ! Quant aux douleurs… Eh bien, voilà un petit aperçu de ce qui me passait par la tête en mars 2017 :

« J’en peux plus d’avoir mal. Si toutes mes règles et ovulations doivent ressembler à ça, foutez-moi en ménopause, ou enlevez-moi carrément les ovaires, qu’on n’en parle plus !

Vie pourrie par moment…pourrie ! »

Et ça, c’était en mars…

 

Début avril, c’était encore pire. Maux de ventre atroces avant, pendant et après les règles. Et quand je dis atroces…je ne sais pas, peut-être que je suis douillette. Qui sait ? Mais les maux étaient assez violents pour me réveiller presque toutes les nuits. Et j’attendais avec impatience mon rdv gynéco.

« Allez ma grande, plus que 3 semaines à tenir… »

 

En patientant (pas le choix), j’en parlais beaucoup autour de moi. Forcément, je ne pensais qu’à ça ! Et je commençais à me dire que ça devait soûler tout le monde de m’entendre me plaindre à longueur de journée.

Dans ma famille, les femmes savent toutes ce que c’est ; elles sont passées par là. Mais comme en plus elles ont eu des problèmes de santé plus graves, mon histoire semblait bien dérisoire. Et encore une fois, non seulement je me sentais idiote de pleurnicher pour ça, mais en plus je me détestais quand je pensais à ce qu’elles avaient enduré !

« Si elles l’ont vécu et s’en sont sorties sans se plaindre, tu le peux aussi. Ce n’est pas si terrible ! »

Sauf que certaines n’ont eu aucune douleur. Pas mon cas. D’autres avaient des règles peu abondantes. Pas mon cas non plus.

Bref, je me sentais minable pour beaucoup trop de raisons ! Et cette maladie était en train de devenir mon enfer personnel.

Toi qui entre ici, abandonnes tout espoir…

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Je peux vous dire qu’à ce moment précis de ma vie, ce n’était pas l’espoir qui me faisait tenir, plutôt les médoc. Enfin, jusqu’à un certain point.

- Le spasfon ne fonctionnait plus depuis mes 15 ans : hors course.

- Le paracétamol n’était utile que pour les mots de tête, dus sans doute à la fatigue : éliminé.

- Les Antadys, anti-inflammatoires miraculeux qui m’avaient soulagé tant de fois auparavant, ne me faisaient plus aucun effet, si ce n’est des trous dans l'estomac que je devais combler par d’autres médicaments : Mayday, Mayday, cercle vicieux en approche !

- La codéine n’a pas réussi où les autres ont échoué : game over.

- J’ai même testé le Tramadol qu’on m’avait donné après mon opération et qui avait fait des merveilles à l’époque : Allo Houston, on a un problème. ÇA NE MARCHE PAS !

- Et enfin, le dernier mais pas des moindres, composé d’un mélange de paracétamol, de caféine et d’opium : Izalgi. C’était un vrai bonheur les premières fois. C’était magique. En quelques dizaines de minutes, je ne sentais plus rien. Mais ça, c’était au début. Après quelques semaines : échec et mat.

La grande gagnante est la Comtesse de la Douleur ici présente !

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Note à moi-même: je pourrais éventuellement me reconvertir comme préparatrice en pharmacie. L'expérience, ça compte, non ?

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Les réveils violents au milieu de la nuit étaient de plus en plus…eh bien, violents ! Incapable de rester couchée, je me levais et j’allais lire un livre, ou je surfais sur le web, ou j’écrivais quelques lignes sur ma vie misérable du moment.

Certaines fois, il m’était impossible de rester immobile. Alors je marchais dans ma maison, en faisant des allers-retours entre mon bureau, mon salon et ma cuisine, en tournant comme une possédée autour de la table, le point enfoncé au niveau des ovaires en répétant mon mantra à voix haute : « ça va passer, ça va passer… ». 

Vous savez ce que ça m’a appris ? Les journées sont longues quand on ne dort pas la nuit ! Donc en plus des douleurs, je commençais petit à petit à ressembler à un doux mélange entre Casper, Morticia dans la famille Adams et Golum : teint blafard à la limite du transparent, cernes qui descendent en dessous des pommettes, lèvres blanches et craquelées, humeur exécrable et crises de nerfs…

« Rendez-moi mes préccccccieux… Mes précieux mois de vie durant lesquels je n’ai pu profiter de rien ? Mes précieux rêves, bloqués dans mon cerveau parasité par la douleur ? Mes précieux éclats de rire, portés disparus depuis si longtemps ? Non, rien de tout ça. Ce que je veux, ce sont des précieux médoc qui fonctionnent ! »

 

Un soir, j’ai du supporter une de ces crises de douleur aigue, à m’en taper la tête contre les murs ! A deux doigts d’aller aux urgences, j’ai passé ma nuit debout (chaque minute), jusqu’au petit matin où mon homme m’a finalement emmené à l’hôpital. Après environ 3 heures d’attente, j’ai été auscultée par un interne d’une bonne dizaine d’années de moins que moi. Pas gênant du tout, surtout quand il me dit: « Détendez-vous un peu, votre vagin est plus fort que moi (et un petit clin d’œil en prime) ! »

Il m’a finalement fait une ordonnance pour les mêmes foutus médocs qui ne marchaient plus, m'a prescris un arrêt maladie pour la journée et m’a dit d’attendre mon rdv avec ma gynéco. Comment vous expliquer mes pensées à ce moment-là ?

« Grrrrrrrrrrrr… Je m’appelle Violette, j’ai toutes mes dents et une furieuse envie de te mordre là où ça fait mal pour que tu comprennes ce que je ressens ! »

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#Putaindefoutuemaladiedemerde!!!

 

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Délivrance

 

L’été 2017 a été éprouvant mais salvateur.

 

Après mon rdv chez la gynéco, j’ai eu le droit de reprendre la pilule, en continu cette fois, donc les sœurs REDS avaient interdiction d'entrer à la maison.

« Bien fait pour elles ! » (smiley qui tire la langue)

Et évidemment, on m'a fait passer des examens : les sempiternels échographie et IRM, mais aussi de nouveaux…disons à des endroits moins agréables ! Parce que cette sympathique petite maladie n’est pas cantonnée à l’utérus. Elle peut se développer un peu partout : sous le nombril par exemple, mais certaines en ont dans les intestins (d’où les examens déplaisants), et même dans les poumons !

« Pitié, pitié, pitié…épargnez-moi ô grand manitou des maladies. »

 

Les résultats : ça aurait pu être mieux, mais ça aurait pu être bien pire ! Ils ont en tous cas donné un sens à mes fortes douleurs.

En effet, j’avais (et j’ai toujours) officiellement une endométriose sévère. Un kyste énorme s’était formé sur mon ovaire droit (9 cm), ce qui aurait pu aboutir à une torsion de l’ovaire si tous mes organes n’avaient pas été collés entre eux. Et plein de petits kystes pullulaient autour de l’ovaire gauche avec des adhérences partout. Heureusement, rien à l’intérieur des intestins, ce qui m’a évité, au moins pour cette fois-ci, de passer par la poche intestinale que certaines connaissent (je compatis totalement et prie tous les jours pour que ça ne m’arrive pas !).

 

Donc après avoir passé des mois de torture en ayant mal H24 et en manquant cruellement de sommeil, je me suis enfin faite opérée en août 2017 (oui, encore en août, comme l’année d’avant pour le nombril et celle encore avant pour une opération des sinus…).

« Les jolies colonies de vacances, merci maman, merci papa. Tous les ans, je voudrais que ça recommen...en...en...en...ce… NOOOOOONNNNNN ! »

 

Au programme pour ces vacances 2017 : coelioscopie pour vider les kystes de leur sang et détacher toutes les adhérences. Normalement, ça devait être une hospitalisation en ambulatoire : opérée le matin, retour à la maison dans l’après-midi. Mais c’était tellement Beyrouth dans mon ventre que l’opération a duré 2 fois plus de temps + beaucoup de saignements + un drain à redon pour évacuer le sang.

« Fiooooouuuu…galère ! » (ça c'était sans doute les pensées du gynéco qui m'a opérée !)

Donc ils m’ont gardé une nuit à l’hôpital. Rien de dramatique, je vous l’accorde. Mais quand on se réveille d’une opération et que personne ne veut vous dire si ça s’est bien passé ou non, c’est un peu la panique. J’étais même complètement affolée !

« Ils me prennent pour une conne ou quoi ? Je me rends bien compte que quelque chose cloche ! Je vous en supplie, dites-moi qu’ils ne m’ont pas enlevé les ovaires… Dieu, Bouddha, Shiva, Allah, Zeus, Osiris ou n’importe quelle divinité, ayez pitié d’une trentenaire qui a encore le fol espoir d’avoir un jour un enfant ! »

 

Si ces pensées se bousculaient dans mon esprit ce n’était pas sans raison. Dans les femmes de ma famille qui se sont faites opérées, beaucoup se sont réveillées avec une incision de plus de 10cm dans le bas du ventre et des morceaux d’ovaires en moins ! D’où mes inquiétudes.

En plus, je les entendais parler : « Vous avez eu le service machin pour Mme Violette, ils sont au courant qu’elle va être transférée…blablabla ». L’angoisse ! J’ai fini par attraper l’anesthésiste par le bras quand il est passé à côté de moi pour lui poser la question (après une bonne demi-heure de frayeur inutile).

 

Bref, la première nuit n’était pas géniale, mais avec les anti-douleurs, ça allait. Le lendemain, à 10h du matin : plus de perfusion et plus de redon. Juste 4 trous dans le bide, mais tous petits.

« Libérée, délivrée… »

 

Donc retour à la maison avec 3 semaines d’arrêt maladie.

 

Deuxième nuit horrible : je n’ai pas supporté l’Acupan (médoc à bannir).

Malade comme un chien à vomir à 2h du matin. Donc fini les anti-douleur forts, on s’en remet au paracétamol.

« Comme si ça faisait vraiment quelque chose avec tout ce que j’ai pris avant ! »

 

Les nuits suivantes étaient difficiles aussi. Pas à cause des cicatrices, ni des douleurs internes après qu'on ait trifouillé mes organes. Non, le pire c’était les effets secondaires de l’opération : mal aux côtes et aux épaules, impossible de m’allonger complètement parce que ça bloquait ma respiration… J’avais l’impression d’étouffer pendant des jours !

« Allez, arrête de te plaindre. Au moins tu peux dormir et les douleurs sont bien moins fortes qu'avant l'opération ! » s'agace le petit ange sur mon épaule gauche.

« OK, c'est vrai. Mais laisse-moi me plaindre encore un petit peu...un tout petit peu...s'te plait, s'te plait, s'te plait ! » lui répond le diablotin posté sur la droite.

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Pendant deux semaines, tous les jours, mes gentilles infirmières me rendaient visite. Au menu : piqûres de Lovenox dans les cuisses pour éviter les phlébites + prises de sang deux fois par semaine + changement de pansement tous les deux jours…etc

« Euh, comment vous dire : j’ai une phobie des aiguilles ! »

 

Mais il faudra bien que je m’y habitue. Parce que l’opération va avoir des suites…des suites longues, éprouvantes elles aussi et qui vont nécessiter un nombre incalculable (titanesque pour moi !) d'injections. Des suites que l’on espère heureuses avant tout.

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L'espoir d’un petit lutin...c'est par là…

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